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Les babils de Babel

ou

Du retournement des choses

installation sonore - 2017
Bois, acier, dorure à la feuille de palladium, haut-parleur et bande sonore. 1m x 1m x 0,50m.
Sculpture suspendue à 5 mètres du sol. Bande sonore de 15 minutes 38 secondes, en boucle.

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photo © David Huguenin

Lors de ma visite du Musée du patrimoine industriel et minier à Decazeville et des vestiges des mines de charbon alentours, j'ai appris qu'une grande partie des mineurs venus travailler et vivre à Decazeville étaient d'origines étrangères (espagnols, italiens, russes, polonais...), et au fond de la mine, pour communiquer, ils se sont inventés un langage commun. Une "lenga nòstra" issue principalement du patois local (occitan), mais nourrie de toutes ces diversitées. J'ai alors pensé au mythe de la Tour de Babel, mais à l'inverse. Au lieu d'une intervention divine venant brouiller le langage des hommes, créant la confusion entre eux afin de les empêcher de finir de bâtir leur tour dressée vers les cieux, ici, ce sont les hommes, venus de toute part, qui s'inventent une langue commune pour travailler ensemble.

Et lorsque j'ai vue les anciennes photographies de la "découverte" (mine à ciel ouvert), j'ai à nouveau été frappé de la similitude de celle-ci avec les représentations habituelles de la Tour de Babel, mais encore une fois à l'inverse. J'étais comme face à la contreforme de la célèbre tour, comme s'il s'agissait du moule d'où elle serait sortie. Au lieu d'une immense tour ronde pointée vers le Ciel en paliers concentriques, nous sommes ici face à un immense trou s'enfonçant en escalier vers le centre de la Terre…

Ce fut là le point de départ de l'installation Les babils de Babel, poème où il est question de langage, de pouvoir, de mythologie, de fantastique, de commun des hommes et de renversement des points de vue.

Extrait :
" C'était avant,
il y a longtemps,
il y a bien longtemps,
du temps des hommes séparés,
à la surface de la Terre dispersés,
chacun sa maison, chacun sa bouche,
du temps où ils ne se comprenaient,
chacun sa langue,
de nulle part, de toutes parts ils sont venus, ici de toutes parts sont venus,
les ibères, les polaks, les ruskofs, ici les ritals, les portos, les bougnoules, les rosbifs, ici les frisés, les espingoings, et ici les camemberts,
il y avait les fils des hommes, et les filles des femmes, et les femmes des hommes, et les hommes des femmes,
tous ils avaient les fesses rouges et la gueule noire,
ensemble une ville ils ont bâtie,
une ville d'hommes aux fesses rouges,
tous la même langue,
on dit qu'ils cherchaient le vide absolu, la matière noire, celle qui engloutit le néant,
des artistes ils étaient, du monde entier venus, par milliers, piqueurs, boiseurs, haveurs, trieurs, rouleurs, moulineurs, boutefeux, galibots, les nuages du ciel ont suivies et là sont arrivés,
il y a longtemps, il y a bien longtemps, là, le père avec le fils, avec le fils du fils, avec le fils du fils du fils, là, pendant des siècles, la Terre ont taillé, soulevé, arraché, les montagnes déplacées, la Terre ils l’ont déplacée, on dit même qu'ils l'ont foudroyée, qu'ils l'ont torpillée et abattue, de leurs mains ils ont fait le grand œuvre, oui, à ciel ouvert une œuvre d'art, un trou noir,
........ "

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sculpture > Arno Fabre
dorure au palladium >
Atelier Anne Virgitti
écriture, lecture et montage sonore > Arno Fabre
production et diffusion > c15d - licences d'entrepreneur de spectacles n°2-1040173 et 3-1040174

avec tous mes remerciements à
Florence Garrabé, Laurence Riout et Nicole Onillon pour leurs relectures et remarques sur le texte,
Florence Garrabé pour son aide dans les moments d'urgence,
et à Marie-Caroline Allaire-Matte, commissaire de l'exposition.

Les babils de Babel est une commande du Passe muraille / IN SITU Patrimoine et art contemporain, pour le Musée du Patrimoine Industriel et Minier de Decazeville / 2017.