Article 28
sculpture pour l'espace public - 2016croix de 6,50 m de haut en planches de douglas vissées, socle en pierre calcaire et lettrage sur altuglas
Cherchant une définition au terme de laïcité à la française, j'ai décidé de lire la loi du 9 décembre 1905 dite Loi de séparation des Églises et de l'État.
En découvrant son article 28, celui interdisant d'élever ou d'apposer des signes ou emblèmes religieux dans l'espace public, sauf pour quelques exceptions particulières, j'ai d'abord pris conscience que nos croix en bordure des chemins ruraux ou aux croisements des voies communales datent toutes, en principe, d'avant 1905, car la loi précise bien : "Il est interdit, à l'avenir". Ces croix sont donc toutes des vestiges (des rescapées ?), parfois restaurées, vénérées, mais jamais nouvellement érigées.
Ensuite, j'ai réalisé que nos cimetières qui arborent une croix au sommet de leur portail d'entrée, doivent depuis 1905 êtres neutres et présenter une entrée laïque. En effet, l'exception à l'interdiction ne concerne que "les terrains de sépulture dans les cimetières", espace que l'on pourrait qualifier de privé, mais pas le cimetière en lui-même, ni son enceinte, qui sont des espaces publiques.
Enfin, terminant la lecture de l'article, je suis resté rêveur face à l'exception concernant les "musées ou expositions"... J'ai alors imaginé d'installer dans l'espace public une œuvre composée d'une croix monumentale, accompagnée d'un petit socle en pierre recevant le texte de l'article 28. J'ai noté ce projet dans mon carnet et l'ai baptisé "ARTICLE 28".
Quelques années plus tard, pour son parcours d'expositions "art contemporain et patrimoine", Chemins d'Art en Armagnac m'a invité à visiter Condom pour y créer une œuvre dans l'espace public. C'était l'hiver, à la veille de Noël. J'ai traversé le Gers en pensant aux foies malades des canards gras, en admirant les vieilles croix aux bords des routes et en écoutant à la radio les débats polémiques cherchant à savoir si les crèches de Noël sont des symboles religieux ou des traditions populaires. Effectivement, l'enjeu est de taille : si elles sont de "simples" traditions populaires, alors l'article 28 de la Loi de séparation des Églises et de l'État n'interdit en rien d'installer une crèche de Noël dans l'enceinte d'une mairie, à l'inverse, cela est totalement interdit. La polémique est virulente, on parle de tradition immémoriale, d'intérêt culturel des santons de Provence, de fête du ramadan, de "pays laïc de tradition chrétienne", de récupération politique, de "laïcité à géométrie variable". Les tribunaux administratifs quant à eux rendent des verdicts au cas par cas, à l'appréciation des juges...
En visitant la cour du Centre Salvandy, célèbre au XVII et XVIIIe siècles pour son Collège dirigé par les Oratoriens (congrégation Catholique), devenu collège communal, lycée public et maintenant siège de services sociaux et de nombreuses associations condomoises, ARTICLE 28 est revenu à ma mémoire et je l'ai imaginé là. J'ai proposé le projet à l'équipe de Chemins d'Art en Armagnac et ils ont dit oui.
La Cour Salvandy, lieu de passage, est traversée par un "chemin". D'un côté de celui-ci, nous avons dressé une croix monumentale de six mètres cinquante de haut, constituée d'un assemblage de planches de douglas vissées entre elles. De l'autre côté, telle une stèle commémorative, nous avons posé un socle en pierre avec une plaque recevant le texte de l'article 28 de la loi de 1905.
Cliquez ici pour voir les photos de la construction et de la mise en place de la croix.
Pour plus d'informations sur la Loi de séparation des Églises et de l'État :
- texte complet et version en vigueur - Légifrance
- texte complet de l'article 28 - Légifrance
- article sur Wikipedia
- La Séparation, film historique retraçant les débats parlementaires de 1905
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Je tiens à remercier très chaleureusement toute l'équipe de Chemins d'Arts en Armagnac pour leur accueil, leur aide et leur générosité, monsieur Lalanne et les services techniques de la ville de Condom qui ont réalisé le fleurissement de la cour et les fondations de la croix, les deux joueurs de ping-pong qui passaient par là et nous ont aidés à dresser la croix, monsieur Lartigue, marbrier tout juste retraité mais très actif, qui a fourni et taillé la pierre du socle avec soin et monsieur Cuilhé, proviseur du Lycée Bossuet, pour sa patience et son amour de l'art, ainsi que toute son équipe pédagogique.
conception et réalisation > Arno Fabre
bois > Scierie de la Lèze, Lézat sur Lèze
maçonnerie et horticulture > Services techniques de la Mairie de Condom
socle en pierre > Marbrerie Lartigue, Condom
panneau et lettrage > Gascogne Enseignes, Condom
production et diffusion > C15D - licences d'entrepreneur de spectacles n°2-1040173 et 3-1040174
Article 28 est une commande de Chemins d'Art en Armagnac, avec le soutien du Lycée Bossuet - Condom.