Retour sur la Novéla

Texte envoyé par courrier le 3 mars 2010 à Nicole Belloubet (1ère adjointe au Maire de Toulouse, en charge de la Culture) et à Catherine Guien (21ème adjointe au Maire de Toulouse, en charge de l'Innovation).


La venue d'un nouveau festival s'accompagne inévitablement de la question de son positionnement et de sa nécessité. C'est aussi dans sa façon d'aborder sa thématique, que celui-ci peut se révéler pertinent et efficient, plutôt que dans l'analyse du bilan chiffré de la fréquentation de ses évènements phares. De ce point de vue, qu'en est-il de La Novéla ? Pour participer à cette réflexion, je pense utile, depuis le double regard de spectateur et d'artiste invité, de vous partager quelques-unes de mes réflexions à son sujet. Bien sûr, n'ayant pas vu toute la programmation, mes propos ne seront que parcellaires.

Pour sa première édition, j'aurais espéré que La Novéla interroge ses deux objets : le savoir et la rencontre art et science. En tant que premier festival des savoirs, j'aurais aimé qu'elle me fasse vivre une effervescence de la pensée aussi pointue qu'accessible, découvrir une approche innovante et excellente sur le rapport art et science, sentir l'expérience fascinante de la recherche scientifique et de la création artistique. Bref, j'aurais voulu être bousculé dans mon rapport au monde, car c'est bien cela que j'attends et de l'art, et de la science.

Finalement, j'ai eu le sentiment d'avoir peu appris durant La Novéla. Mélangeant art et culture, science et savoir, son positionnement m'a semblé confus. Je l'ai vu osciller entre un évènement de vulgarisation scientifique et un festival de rue à tendance technologique et monumentale. Je m'interroge alors, quelle est son ambition ? Animer notre calendrier culturel et nous divertir ? Valoriser la culture scientifique ? Questionner la relation art et science ? Dans tous les cas, je pense qu'il convient de ne pas se méprendre : l'art n'est pas un moyen de médiation pour "dire ce que la recherche donne à résoudre", l'art
est recherche ! De même, culture scientifique n'est pas art, et art technologique n'est pas science.
S'il s'agit de promouvoir la culture scientifique, pourquoi chercher à l'habiller d'une apparence artistique ?! Nous sommes là au cœur d'une des questions de la relation art et science, celle où le scientifique éprouve le besoin de revendiquer sa participation à la culture et l'artiste sa contribution au savoir … triste constat des effets de notre dichotomie contemporaine.

A titre d'exemple de ce que j'aurais eu plaisir à rencontrer, je citerai les conférences de Michel Onfray à l'Université Populaire de Caen où, depuis plusieurs années, il y poursuit un travail remarquable par son humilité, la qualité des savoirs transmis, la mise en éveil qu'il suscite et où "la culture y est vécue comme un auxiliaire de la construction de soi".

En conclusion, La Novéla m'est apparue comme l'expression d'une volonté politique, se voulant populaire et festive. Sans doute précipitée dans son élaboration, elle ne me semble pas répondre aux questions contemporaines, ni aux attentes des publics et acteurs culturels. J'espère que sa prochaine édition saura trouver les chemins pour nous faire sentir l'expérience fascinante de la recherche scientifique et de la création artistique, de celle qui peut bouleverser notre regard et nourrir notre imaginaire. Oui, je préfère que nous développions une ville brillante par son esprit et sa sensibilité, qu'illuminée par ses divertissements.


Pour étayer mon discours, je reviens, ci-dessous, sur quelques points marquants de l'édition 2009 :

> Novéla vs Printemps de Septembre ?
Je ne comprends pas le calendrier qui mélange Le Printemps de Septembre et La Novéla. Il y a confusion et je me pose des questions. Comment se positionne La Novéla ? Cette confusion est-elle volontaire ? Plutôt que de créer une synergie, s'agit-il de concurrencer les deux événements pour qu'il n'en reste qu'un seul ? Ce serait absurde, mais c'est malheureusement ce qu'il m'a semblé.

> Communication et budget
N'ayant pas d'éléments de discussion, je ne m'étendrais pas sur les aspects financiers de La Novela. Un événement d'envergure se doit d'avoir un budget à la hauteur de ses ambitions. Néanmoins, il me paraît que la forte communication, et donc son implication financière, pour imposer cet événement s'est révélée démesurée en regard de la qualité et de la fréquentation de celui-ci. Je crains que les retombées ne soient pas celles qui sont escomptées auprès des acteurs culturels.

> Serre Volante

La Serre Volante de Delarozière m'a fortement contrarié, j'ai eu le sentiment d'être pris pour un imbécile incrédule. Exploitant lourdement la mode développement durable, il nous a offert un grossier spectacle d'art technologique, sans délicatesse, ni poésie. Nous sommes face à un "produit culturel", précisément calibré pour répondre à un marché, celui des animations culturo-scientifique. Lors de sa conférence, j'ai eu le désagréable sentiment d'écouter le discours d'un VRP cherchant à vendre de gigantesques jouets à notre ville. Je crains cependant que son discours urbanistique manque de fondements, et que parsemer nos villes de divertissements monumentaux ou technologiques ne soit définitivement pas la meilleure réponse aux questions qu'elles posent aujourd'hui.

De grâce, ne transformons pas notre ville en un gigantesque parc d'attractions, ! Offrons-nous plus d'épaisseur de pensée et de finesse de regard.

> Fura dels baus

Que dire de l'événement de clôture avec la Fura dels baus ?
Que la débauche d'effets lumineux et de puissance sonore n'ont d'équivalent que le vide grotesque de cet évènement. Encore une fois, la démesure monumentale n'est pas un gage de finesse et d'excellence. Pour justifier ce travail, les paroles du directeur artistique de la compagnie, mises en avant sur le site de Toulouse, sont d'une faiblesse remarquable : "
nous avons choisi de mettre l’accent sur l’humain, afin de rappeler que sans l’homme, la machine n’est rien "…
Nous avons été nombreux à fuir cette catastrophe, elle marquera ma mémoire en cela.

> Exposition Jean Dieuzaide, retour d'expérience
Des enseignements en lien avec La Novéla, j'en retiendrais deux :
- les conditions financières de production des œuvres ont été très satisfaisantes. Elles permirent de mener des projets ambitieux, dans des conditions normales et professionnelles (situation trop peu courante dans le domaine des arts plastiques) ;
- l'organisateur de l'exposition n'ayant pas pour mission habituelle de travailler en lien avec l'art contemporain, a fait appel à des intervenants extérieurs pour réaliser son projet : collège de conseillers artistiques, sous-traitance de la scénographie, prêt d'une salle d'exposition par le Muséum. Mais il a sans doute manqué, pour guider le projet et lui donner une cohérence, un/une commissaire d'exposition, compétent en art, en science et en conception d'exposition.

> Qui est le/la commissaire ?

Les deux remarques précédentes peuvent sans doute s'appliquer à La Novela en général. De forts moyens mis à dispositions pour un projet ambitieux, mais sans une direction claire et affirmée de celui-ci.
Ainsi, je me demande qui en a assuré la direction artistique, qui en a été le/la commissaire ? Peut-être que finalement cette personne a fait défaut… Bien sûr, pour apporter cette cohérence, il lui faut des qualités rares :
- compétente dans le domaine artistique et scientifique ;
- réflexion pertinente sur les questions du savoir et de la rencontre art et science ;
- transmission de cette pensée dans l'élaboration d'un festival ayant sens et identité ;
- capacité à déléguer et à collaborer avec les structures existantes, en s'appuyant sur leurs compétences et leur expertise.